Notre-Dame-des-Landes


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(Notre-Dame-Des-Landes dernière)

De l’usage politicien d’un référendum démocratique en trompe l’œil

Dans le petit périmètre défini pour le référendum concernant le projet d’aéroport à Notre-Dame-Des-Landes, calculé pour donner les meilleures chances de satisfaction à VINCI et aux chefs d’entreprises financièrement intéressés aux travaux, seulement un électeur sur quatre a voté en faveur de sa réalisation.  Ainsi, un projet contesté par la population bretonne, depuis plus de trente années, devrait aboutir parce qu’une minorité de 271.370 votants sur 967.457 inscrits s’est prononcée en sa faveur. Il reste que si l’ensemble de la région bretonne n’a pas été consultée, sa population devra participer au financement des travaux. Les joyeux tacticiens du sommet de l’État peuvent ainsi remplir la partie du contrat qu’ils ont passé avec un ami influent du Groupe Vinci, partie qui sera à la charge des finances publiques. La contrepartie pour les responsables politiques à la manœuvre, s’il y en a, restera sans doute occulte.

Dans la crise économique traversée par une France en manque de financement pour le service public des citoyens (communes, associations de bénévoles, service de santé et hôpitaux publics etc…), par une astuce politicienne peu glorieuse, nos responsables politiques ouvrent les vannes de l’argent public au profit du groupe Vinci dans un projet largement jugé inutile sur le plan économique, dommageable sur le plan écologique et lourd pour les finances publiques sur le long terme dans la cadre du contrat public / privé qui lie l’État et la Région au groupe industriel. Ce dernier épisode souligne la duplicité du Premier Ministre qui se gargarise du mot « démocratie » tout en piétinant allègrement le concept et en promettant sur le ton le plus martial qu’il se devait de faire respecter la volonté du peuple qui s’est exprimé dans les urnes. La force publique sera ainsi amenée à faire respecter une magouille politicienne au profit d’une poignée de personnages financièrement intéressés.

Notre-Dame-des-Landes, priez pour nous.

A Paris se concentre l’essentiel du pouvoir financier et politique, dans un joyeux mélange des genres où l’intérêt de la Nation et des citoyens n’ont que peu d’importance. L’entre soi favorise la confidentialité des conflits d’intérêts, du favoritisme et des abus de biens sociaux. La grande truanderie des marchés publics, qui associe les grands groupes de travaux publics et les passeurs d’ordre (grands serviteurs de l’État et leaders politiques) laisse aujourd’hui aux contribuables, et à ceux des générations à venir,  la charge de financer les énormes loyers prévus par les contrats Public/Privé passés par les gouvernements pour l’aménagement du territoire. Ces pratiques creusent le gouffre du déficit dans les finances publiques, pour le plus grand bonheur des bétonneurs et des créanciers. En contrepartie, le peuple laborieux devra travailler plus pour un salaire moindre, abandonner ses droits, ses prestations sociales et voir sa retraite écornée. Le projet de loi Khomri annonce les première dispositions en ce sens, dans une réforme du droit du travail réécrit pour satisfaire les machoirons du MEDEF.

Le projet de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes donne une illustration de ce déplorable système qui privilégie les avantages immédiats d’une petite coterie de notables au détriment de l’avenir des citoyens ordinaires. Ce projet né il y a une trentaine d’année dans un contexte économique favorable n’avait pas fait la preuve de son utilité et était resté au stade de projet. Brusquement, en période de crise économique le projet est remis sur la table et sa réalisation devient une urgente priorité nationale. Un contrat est signé avec Vinci pour la réalisation et la gestion du nouvel aéroport. Une clause financière super favorable à l’industriel est ajoutée pour le cas où le projet ne serait pas porté à son terme. Ce type d’arrangement gagnant/gagnant pour l’entreprise et perdant/perdant pour les finances publiques se multiplie en France depuis de nombreuses années. Pour assurer une meilleure rentabilité au nouvel équipement confié à Vinci, quelques aéroports de moindre importance devraient être supprimés en Bretagne. Quelle autre analyse que celle qui suit, pourrait être faite, en considérant les mensonges accumulés pour la promotion de ce projet ? On se rappelle, dans le même ordre d’idées, la précipitation de l’équipe Sarkozy à faire signer, entre les deux tours de l’élection présidentielle, le juteux contrat des portiques et de la collecte de l’écotaxe, quand l’échec pour un second mandat apparaissait de plus en plus probable. Ces contrats négociés entre initiés dans le secret des affaires sont assortis de clauses de dédommagement au cas où l’Etat devrait revenir sur sa signature à cause d’une pression de la population opposée au projet. Quoi qu’il arrive, l’entreprise est gagnante sur tous les tableaux. Les finances publiques en pâtissent mais les responsables qui ont porté le projet calamiteux ne sont jamais inquiétés.

Le projet de Notre-Dame-des-Landes agglomère les intérêts commerciaux de l’entreprise Vinci, ceux des possibles bénéficiaires d’éventuelles commissions aux « facilitateurs » qui influent sur les décisions des passeurs d’ordre et les intérêts de quelques grands promoteurs immobiliers. Ces derniers lorgnent sur une future disponibilité des terres libérées par le déménagement de l’aéroport existant. La situation entre Nantes et l’actuel aéroport présente une incontournable entrave à l’urbanisation de la zone.

Rien n’a été négligé pour faire soudainement aboutir le projet, qui avait été envisagé au siècle dernier, sous le Gouvernement Jospin, contre l’avis exprimé aujourd’hui par plus de mille élus réunis au sein du « Collectif d’élus doutant de la pertinence de l’aéroport » et de professionnels, pilotes, urbanistes et comptables, réunis dans un « Atelier citoyen ». Les professionnels ont produit une étude détaillée et argumentée qui réfute, l’un après l’autre, tous les arguments des partisans à la réalisation du projet.

Les passeurs d’ordre ont dissimulé les études qui concluaient à l’inutilité du projet et occulté les rapports défavorables à sa réalisation. Comble d’ironie, c’est aussi le cas pour l’étude effectuée à la demande du préfet de région. Le rapport rédigé par les experts de l‘État à la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL), contredit l’argumentation en faveur du projet de Notre-Dame-des-Landes et recommande la solution qui consiste à agrandir les structures existantes. Le rapport précise que le déménagement de l’aéroport à Notre-Dame-des-Landes présente de grands inconvénients du point de vue de l’écologie. Aujourd’hui, l’environnement est préservé autour de l’actuel aéroport par la non urbanisation des zones humides environnantes. Pour ce qui concerne Notre-Dame -des-Landes, les commentaires sur l’impact écologique sont superflus. En ces temps de crise, en plus de l’aspect écologique, l’économie réalisée par l’abandon du projet ne serait pas notable pour les finances publiques, du fait des clause de dédommagements financier inscrites au contrat. Il semble que d’autres intérêts, plus confidentiels, soient en jeu.

En dépit des arguments globalement négatifs concernant l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, les premiers de cordée de la conscience nationale, Hollande, Valls et Ayrault, sont montés au créneau pour faire passer le projet en force et donner de la crédibilité à une vaste manipulation d’opinion destinée à satisfaire les appétits financiers de quelques intérêts privés. Le Président de la République envisage de légitimer la construction d’un grand aéroport pour tout l’Ouest, en limitant les risque d’un avis négatif de la population à un référendum local, dont les entrepreneurs attachés au projet et la CCI locale se chargeront de faire la promotion. Ayrault, tête de série influent du lobby pro-aéroport, reste à la manœuvre, en dépit de ses nouvelles responsabilités aux Affaires étrangères. Il n’est pas acquis qu’au-delà des limites du département, la population soit aussi sensibilisée à la réalisation de ces dispendieux grands travaux. Dans le cas d’un partenariat public prive (PPP), l’impact financier est de trois à cinq fois supérieur à celui d’un investissement direct de marché public. Les signataires d’un PPP, au nom de l’Etat, ne seront pas inquiétés quand la facture de la délégation de service plombera les comptes de la collectivité sur le long terme, ils auront sans doute déjà quitté leurs fonctions.

Devant l’Assemblée Nationale, le Premier ministre a menti au sujet des motifs écologiques favorables au déplacement de l’aéroport (devra-t-il subir le sort de Cahuzac?),  Des particules fines du diesel, aux boues industrielles déversées en méditerranée, en passant par les algues vertes du littoral, la France n’a aucune politique en matière d’écologie. Elle tente de le dissimuler en organisant de grandes messes, Grenelle de l’environnement ou COP 21, dont elle s’empresse d’oublier les engagements. Le Premier Ministre promet la fermeté pour réduire les opposants et libérer la zone pour le commencement des travaux du nouvel aéroport au mois d’octobre 2016. Au besoin, l’état d’urgence décrété pour la lutte antiterroriste et inscrit dans le marbre de la Constitution pourrait être mis à profit pour interdire les rassemblements contestataires, générateurs de troubles à l’ordre public. Quelques opposants charismatiques pourraient être assignés à résidence, jusqu’au début des travaux. Sur le plan politique, des leaders écologistes contestataires ont été achetés par l’attribution de portefeuilles ministériels au sein du Gouvernement.

Incapables de s’occuper des problèmes auxquels est confronté le pays en ces temps de crise économique, le Président et son Gouvernement emploient les grands moyens pour donner satisfaction à une société multinationale du BTP et à quelques responsables locaux intéressés à la réalisation d’un projet inutile et coûteux. Le géant du bâtiment auquel a été accordée la concession de l’aéroport de Notre-dame-des-Landes est connu pour être un prédateur de marchés publics qui joue sur deux tableaux -1, Un rapide retour sur investissement de son activité de construction. -2, Une bonne rente de gestion sur le long terme. En France, la multiplication des PPP plombe les finances publiques pour très longtemps, ce qui n’inquiète pas les politiques qui ne font qu’un passage aux affaires. Mais ce ne sont pas des contribuables ordinaires.

Notre-Dame-des-Landes, souligne à la perfection la perversité d’un système politique qui dote la France d’une réputation peu flatteuse dans l’opinion internationale.

Kan ar peulvan 20 février 2016

Modifié le 28 juin 2016