Religion des Celtes et spiritualité celtique


Pommier

Religion des Celtes et spiritualité celtique moderne

Chez les Celtes, il semble que chaque clan avait son propre dieu, ce qui rend difficile la reconstitution  d’une religion commune bien définie. Au cours d’un relevé effectué en 1906, Edward Anwyl (1866-1914), Gallois, professeur de philologie comparée à l’University of Wales, avait recensé pas moins de 374 noms de dieux celtes différents, dont 305 ne se rencontraient qu’une seule fois. Les noms de dieux qui se répétaient plusieurs fois se situaient généralement sur une aire géographique limitée. Le nombre important des dieux, chez les Celtes, semble attester de la multitude et de la variété de cultes tribaux. Dans leurs grands déplacements, les tribus celtes conservaient leurs dieux, ce qui explique que le nom d’un dieu peut se rencontrer très loin de son lieu d’implantation originel.

Les divinités des Celtes représentaient le pouvoir et la force brute des éléments dans une religion de type naturiste, mais la sagesse ne faisait pas partie de leurs caractéristiques. Certaines divinités étaient associées à des animaux ou à des végétaux. Sous ces formes, les Celtes honoraient des puissances occultes, anonymes, muettes et dépourvues de raison, mais qui représentaient des puissances supérieures. Sauf à ne considérer que la tradition de l’île d’Irlande, telle que restituée par la transcription faite par les moines chrétiens du moyen Âge, vouloir dégager une vision d’ensemble sur « la » religion des Celtes tient de la gageure.

Pour Marie-Louise Sjoestedt dans « Dieux et héros des Celtes » paru aux éditions PUF en 1940 : – …le calendrier celtique se règle, non sur l’année solaire, les solstices et les équinoxes, mais sur l’année agraire et pastorale, sur le début et la fin des travaux de l’élevage et de la culture. Ainsi le monde mythique des Celtes est-il dominé par les déesses du sol, alors qu’on y cherche en vain les divinités solaires

 

Fêtes cardinales du calendrier celtique

Le calendrier liturgique qui se dessine, à partir de la traduction de la littérature orale des Celtes d’ Irlande, reste tout aussi évasif. Samain célèbre le souvenir des défunts du clan et le début de la nouvelle année, dans la transformation de la fertile femme de l’été en vieille femme stérile de l’hiver. Imbolc célèbre la nouvelle lumière du soleil et le réveil de la nature, dans la transformation de la vieille femme de l’hiver en jeune femme fertile. Belteine était la fête du printemps, la victoire de la lumière sur la pénombre par la prévalence de l’ordre diurne. Belteine marquait le commencement de la période claire et la reprise des activités laborieuses et guerrières. Dans les langues indo-européennes, la racine bel est en rapport avec les notions de guerre ou de force. La langue bretonne en a conservé la trace avec le mot beli, qui signifie l’autorité, le pouvoir ou encore la puissance.  Belteine était aussi l’occasion de rendre hommage à la Terre fertile et à la Grande déesse mère.  Avec la puissance jaillie de la terre, le mois de mai était celui des amours. L’aubépine, en pleine floraison, était le symbole de la sexualité. En Irlande, le 1er jour du mois de mai est désigné par bel-tene. Dans sa forme celtique, la racine indo-européenne bhel,  souligne la notion de lumière vive. Tene est le nom du « Feu ». Le vieil irlandais bil tene, signifie « feux favorables ». La tradition d’Irlande indique qu’à Belteine, on faisait passer le bétail entre deux feux pour le protéger contre les épidémies. La fête de Belteine a conservé jusqu’au XIXème siècle une vocation prophylactique pour le bétail, mais également pour la protection des récoltes.

Lugnasad est une fête à la mémoire de Tailtiu, la nourrice de Lug, décédée après avoir rendu le sol d’Irlande cultivable mais n’implique pas de culte particulier à Lug. Cependant, le dieu Lug le polytechnicien se démarque dans le panthéon de la tradition celtique. Dans la littérature orale des Celtes insulaires, restituée au Moyen Age par les moines chrétiens, ses connaissances étendues à tous les domaines, son caractère lumineux et sa sagesse, tranchent avec la rusticité des autres dieux celtes. Cette probable évolution dans le panthéon semble préfigurer une orientation monothéiste tardive qui devait faciliter son remplacement par le Christ, la nouvelle lumière du monde propagée par l’évangélisation. Dans le texte irlandais « La rafle des vaches de Cooley« , Lug se présente à Cuchulain par cette formule: « je suis ton père des Sid, Lug fils d’Ethliu« . Le Sid est le monde des dieux celtes, un monde souterrain dont l’accès se fait par les tumulus, les anciennes sépultures mégalithiques. Ce passage du texte tend à montrer que la lumière qui émane de Lug est plus en rapport avec la lumière spirituelle qu’avec celle du soleil. Cette particularité de Lug fait penser à la démarche philosophique des druides qui tentèrent de rassembler les Celtes autour d’une religion commune destinée à remplacer les multiples cultes claniques. Cette évolution intervenait dans la ligne adoptée par les prophètes du judaïsme au Moyen-Orient et de l’orientation monothéiste donnée par Zarathoustra au polythéisme des Indo-européens de Perse.

A propos de métempsychose

Parmi les rares éléments avérés concernant la religion des Celtes, la métempsycose est une croyance des Celtes, rapportée par les observateurs grecs et latins de l’Antiquité. Les Celtes partageaient cette croyance avec le védisme ancien, forme primitive du brahmanisme, la croyance en une succession de cycles de vie par la transmigration de l’âme d’un corps à un autre. Cela peut être un début d’explication au fait qu’en cas de mort naturelle d’un personnage important, son épouse, ses serviteurs et parfois des proches le rejoignent dans la mort, peut-être dans l’espoir d’un nouveau cycle de vie ensemble. Chez les hindous, une nouvelle vie est déterminé par le karma, la conséquence des actions menées par chaque personne tout au long de son existence, bilan qui détermine dans quelle forme de vie va migrer l’âme du défunt, végétal, animal ou humain. Seule une vie exemplaire libère de la succession des vies par la « libération » de l’âme.

Chez les Celtes, la transmigration se fait exclusivement dans un autre corps humain. Il a longtemps été dit que les Celtes ne craignaient pas la mort, parce que la mort n’était que le passage vers une nouvelle vie, ce qui expliquait leur témérité au combat. Cette explication donnée par Jules César mérite que l’on s’y arrête.

L’observation de la pratique chamanique des bardes, à l’occasion des obsèques des guerriers morts au combat, faite par des voyageurs grecs de l’Antiquité, nous explique qu’elle évitait aux défunts d’avoir à subir un nouveau cycle de vie. Le témoignage est en totale contradiction avec l’explication donnée par Jules César. Ce dernier avait sans doute mal interprété ce qui motivait la vaillance des Celtes au combat. Ce n’était pas la certitude de vivre une nouvelle vie terrestre, mais au contraire l’occasion de mourir les armes à la main et par cette mort héroïque, de mettre un terme à la succession de ses cycles sur terre. Celtes et Hindous, par leur vaillance ou leur éthique de vie, avaient le même but, être libéré des cycles de vie accomplis dans les conditions difficiles de la protohistoire.

Cette nouvelle lecture de la croyance en la métempsycose souligne l’un des aspects de la société des Celtes. La religion établissait les règles de la vie en commun sur le principe triple « pensée-parole-action » dans une société qui privilégiait les valeurs d’honneur et de courage et dans laquelle le mensonge et l’usurpation d’un savoir représentaient l’avanie suprême. Cette interprétation est validée par les textes de la littérature orale des Celtes qui nous indiquent que seuls les héros, vaillants guerriers distingués par ces valeurs, quittaient le monde des humains pour accéder au royaume des dieux, un monde de félicité.

Les dieux de la religion des Celtes, comme ceux de toutes les religions « natives » ont disparu. Il reste l’aspect universel des valeurs portées par la tradition des anciens Celtes, le courage et l’honneur ainsi qu’une détestation du mensonge, associée à une vision particulière du monde. Ces éléments sont constitutifs d’une forme de pensée celtique à vocation universelle, que peuvent encore s’approprier les celtisants des temps modernes. Ces valeurs qui organisent la vie de la société, dans une ambiance de respect mutuel, associées à la philosophie de la nature des anciens druides, constituent les axes d’une spiritualité qui favorise les relations des humains entre eux, mais aussi avec la nature et à la planète. Libérée de ses anciens dieux mais inspirée de l’ancienne tradition des Celtes et de la philosophie de la nature de leurs druides, cette spiritualité constitue aujourd’hui une saine alternative aux communautarismes religieux qui séparent les humains.

La spiritualité du druide des temps modernes

La spiritualité est le travail de l’esprit. Quel travail peut fournir l’esprit quand une religion lui offre une idéologie toute faite qui ne demande aucune réflexion, sauf à sortir du cadre de ses dogmes et à tomber dans l’hérésie. La philosophie offre cette ouverture d’esprit à la spiritualité. Aujourd’hui il est admis que les druides gaulois étaient des philosophes. Pourquoi en serait-il autrement plus de deux millénaires plus tard ?

L’organisation de la société contemporaine sur la base de cette spiritualité constituerait un véritable progrès social et humain tout en inspirant une résistance à l’agression des groupes industriels multinationaux qui détruisent l’environnement naturel. La tolérance en matière de religion, autre particularité spirituelle des Celtes, fait que cette forme de pensée est également ouverte aux croyants non sectaires qui partagent les mêmes valeurs universelles et le même souci pour la préservation de la planète. Comme dans la prière de la Gorsedd de Bretagne, chacun peut, à titre personnel, inclure dans cette forme de pensée, le dieu de sa propre foi s’il le souhaite. Cette spiritualité celtique, à caractère universel, représente un souffle d’air frais dans notre monde moderne confrontés aux miasmes haineux de l’obscurantisme religieux. La spiritualité, qui différencie l’humain des autres mammifères, reste indispensable à sa pleine réalisation. Laïque, la spiritualité explore le champ illimité de la métaphysique, religieuse, elle reste cantonnée dans les limites fixées par la religion. Dans tous les cas la spiritualité ne relève que de l’intimité profonde de chacun.

Au XVIIème siècle, le philosophe Pierre Bayle écrivait déjà, dans Pensées diverses sur la planète: « Il pourrait bien se faire que la religion, au lieu de dissiper les ténèbres, les eut accrues… » Cette pensée du philosophe a trouvé une justification dans les guerres qui ont marqué toutes les grandes religions, les opposant les unes aux autres et parfois entre groupes différents au cœur d’une même religion . Serait-il sage d’y ajouter des reconstructions approximatives de celle des anciens Celtes.

Gwyon mab Wrac’h octobre 2015

Lien: www.gorsedd.fr