Gwenc’hlan Le Scouëzec


Gwenc’hlan Le Scouëzec

Gwenc'hlan

« – Je mène le druidisme vers le XXIème siècle. »

 En 2001, Gwenc’hlan le Scouëzec a édité aux éditions Beltan, une trilogie intitulée « LES DRUIDES », dans laquelle il livre le fruit de ses travaux concernant la transmission de la tradition des druides, depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours, en passant par le Moyen Age, la Renaissance et le siècle des Lumières qui a vu l’émergence du néo druidisme. Il y détaille les différentes voies empruntées par la philosophie et la spiritualité des druides à travers les siècles.

Gwenc’hlan met en évidence une tradition bardique de la Bretagne armoricaine, véhiculée par des conteurs et conteuses dont les paroles furent collectées par quelques celtisants dont : François Marie Luzel (1820-1876), Théodore Hersart de la Villemarqué (1815-1895) et Anatole Le Braz (1859-1926).

Héol Loïg Gwenc’hlan Le Scouëzec naît le 11 février 1929 à Plouescat dans le Finistère. Il passe une partie de son enfance à Madagascar où il accompagne son père, le peintre Maurice Le Scouëzec. Orphelin à l’âge de 10 ans, il réside un temps chez son Oncle Loïc à Tours pendant la Seconde Guerre Mondiale avant de rejoindre la Bretagne. Le jeune garçon y intègre le mouvement scout breton « Bleimor ». Le parcours de ses études l’amène de différentes institutions religieuses bretonnes jusqu’à la Sorbonne à Paris où il suit des études supérieures d’histoire.

Gwenc’hlan effectue son service militaire en tant qu’officier dans la Légion étrangère en Algérie, de 1951 à 1953. De 1953 à 1957, il enseigne le français en Crète et en Grèce à l’Institut français d’Athènes. Rappelé par l’armée, il réintègre le 5ème régiment de la Légion étrangère en 1957/1958. Son comportement courageux sous les drapeaux lui vaut d’être décoré de la Croix de la valeur militaire.

En 1960 Gwenc’hlan Le Scouëzec entreprend des études de médecine à Paris. En 1963 l’étudiant en médecine milite au Parti socialiste unifié (PSU). Plus tard dans la même sensibilité politique, il rejoindra l’Union démocratique bretonne (UDB). De 1969 à 1985, il exerce à Quimper où il appose sa plaque professionnelle de médecin allergologue.

Dès son installation en Bretagne, Gwenc’hlan Le Scouëzec participe, avec l’avocat Yann Choucq et le poète Xavier Grall, à la création de Skoazel Vreizh le 24 janvier 1969. Cette organisation humanitaire, en français « Secours breton » a pour objectif de venir en aide aux familles des prisonniers politiques bretons. Pendant toute cette période Gwenc’hlan Le Scouëzec a un engagement politique où il se partage entre Partis politiques de Gauche et régionalisme breton. Il participe à la création du parti communiste breton et écrit des articles militants dans « Bretagne révolutionnaire », le journal du Parti créé en avril 1969.

L’engagement politique breton de Gwenc’hlan Le Scouëzec est complété par une quête spirituelle qu’il mène en parallèle. Il rejoint l’Ordre monastique d’Avallon, au sein duquel il accédera à la plénitude du sacerdoce le 9 octobre 1973. L’Ordre monastique d’Avallon avait été fondé par Henri Hillion de Coatmoc’han, trois ans plus tôt.

Henri Hillion (1923-1980) était abbé de l’ordre de saint Colomban et membre de La Gorsedd de Bretagne. L’épiphénomène que représente l’Ordre monastique d’Avallon, dans l’histoire moderne de l’Église orthodoxe celtique restaurée, n’est pas exempt d’ambiguïté. Enregistré le 3 juin 1970 à Lannion comme association cultuelle monastique sous le numéro 265, l’Ordre monastique d’Avallon avait totalement rejeté toute foi en la valeur d’une quelconque organisation ecclésiale chrétienne. C’est sur cette base, en dehors de toute Église chrétienne ou de toute autre organisation confessionnelle, que le 27 juin de la même année, Iltud (Michel Raoult), métropolite de l’Église celtique armoricaine, agissant exceptionnellement en dehors de l’Église chrétienne et exclusivement comme véhicule des filiations versées en lui, consacrait la nouvelle filiation avallonnienne, « sous l’œil du soleil ». L’évêque Iltud avait obtenu la reconnaissance canonique du Patriarche Mar Georgius de Glastonbury au cours de l’année 1968.

C’est dans ce cadre particulier que Gwenc’hlan Le Scouëzec devenait dépositaire des filiations qui avaient transité par Iltud. Par ce fait Gwenc’hlan devenait également « véhicule » de ces filiations pour, à son tour, en perpétuer la transmission. De ces filiations, Gwenc’hlan ne retenait que celle du sacerdoce druidique, contenu dans celui de l’Église orthodoxe celtique qui avait transité par le Patriarcat d’Antioche. A l’occasion d’entretiens avec l’écrivain éditeur Régis Blanchet (décédé le 21 décembre 2005), Gwenc’hlan donne la signification de sa filiation apostolique : –C’est une filiation apostolique qui, à travers la Pentecôte, me relie à la spiritualité du Christ et non pas à une Église quelconque. Par cette formule, Gwenc’hlan exprimait alors que s’il acceptait une filiation spirituelle christique, il refusait toute confusion avec la religion propagée par les Églises chrétiennes. À l’occasion d’un entretien avec Régis Blanchet, Gwenc’hlan précisait sa pensée : « C’est ainsi que je peux être druide christique sans être chrétien »[1]

Tous ceux à qui Gwenc’hlan transmettra les filiations qu’il avait lui-même reçues, ne feront peut-être pas la même distinction. Le titulaire des filiations, en tant que véhicule est tenu de les transmettre, mais il lui appartient d’en faire l’usage qui lui paraît juste, au regard de ses propres convictions et de sa conscience, ce que fit Gwenc’hlan en ne retenant pour lui-même que la strate druidique.

Depuis le 5 octobre 2014, l’Église orthodoxe celtique est placée sous la responsabilité de Mgr Marc (Jean Claude Scheerens), en tant qu’évêque pour l’île d’Iona et ses dépendances, et métropolite de Dol. Mgr Marc avait reçu le 10 août 2014 la charge de l’éparchie[2] française.

Gwenc’hlan Le Scouëzec s’intéresse plus particulièrement au mouvement druidique et intègre la Gorsedd de Bretagne.  A la même époque, membre à la fois de l’Ordre d’Avalon et de la Gorsedd de Bretagne, il fonde le 12 février 1974, en compagnie de Jacques Dubreuil un autre membre de l’Ordre monastique d’Avallon et prêtre de l’Église celtique restaurée, la « Fraternité des druides d’Occident ». Le 26 juin 1977, les deux fondateurs de la Fraternité des druides d’Occident s’accordent mutuellement le titre de druide dans leur organisation commune.

Le 1er  avril 1979 Gwenc’hlan Le Scouëzec est nommé Grand Druide adjoint de la Gorsedd de Bretagne. L’année suivante, le 1er novembre 1980, il devient le cinquième Grand Druide de Bretagne, sous le nom de Gwenc’hlan. Il succède alors à Eostig Sarzhaw décédé le 30 octobre 1980.

La même année, à la suite d’un différent d’ordre philosophique avec le cofondateur de la « Fraternité des Druides d’Occident », Gwenc’hlan Le Scouëzec quitte la Fraternité des druides d’Occident en compagnie des membres qui partagent sa philosophie. Peu après, avec ses amis, il constitue un groupe d’étude et de réflexion sur la tradition celtique et la spiritualité des druides. L’année suivante, le groupe se structure sous la forme d’une association de fait, sans statuts déposés, que Gwenc’hlan nomme « Ceux du Pommier ».

Gwenc’hlan Le Scouëzec restera la référence charismatique de « Ceux du Pommier » pendant plus de vingt ans. Le 3 juin 2002, il confia la responsabilité collégiale de ce groupe d’étude et de réflexion à trois de ses membres, Claude, Guy et Joseph. Pour leur permettre d’en assurer la transmission, il les fit titulaires de l’ensemble de ses filiations.

Gwenn, Claude et Guy

Gwenc’hlan au centre, entre Guy à gauche et Claude à droite à l’occasion d’un repas philosophique

Gwenc’hlan avait, en première intention, souhaité que toutes ses filiations se transmettent automatiquement par le canal du Grand Druide de la Gorsedd de Bretagne, mais l’idée ne fut pas retenue.

Joseph abandonne rapidement la responsabilité partagée qui lui avait été confiée par Gwenc’hlan.  Pour rétablir la triade dirigeante de « Ceux du Pommier », Claude et Guy cooptent Charles et l’élèvent au rang de  Druide du Pommier. Au fil des réunions il apparaît que les trois druides de « Ceux du Pommier » ont des visions différentes pour ce qui concerne le fonctionnement du « Groupe d’étude sur la tradition celtique et la spiritualité des druides ». Dans l’esprit du groupe créé par Gwenc’hlan, les trois druides soucieux de respecter la liberté des membres et la sérénité indispensables aux travaux,  décident alors de former trois collèges placés sous la responsabilité de chacun d’entre eux. En fonction de leurs préférences, les membres de « Ceux du Pommier » peuvent rejoindre l’un ou l’autre des collèges, tout en conservant la possibilité permanente d’assister aux réunions des deux autres collèges. Une assemblée générale réunit les trois collèges, à l’occasion de la fête celtique du milieu de l’été (Lugnasad/ Goueleost), pour faire le bilan des activités de l’année écoulée et partager un moment de fraternité.

Dès son élection à la tête de la Gorsedd de Bretagne, Gwenc’hlan s’était attaché à laïciser l’institution en la détachant de toute influence religieuse, pour mettre l’accent sur la philosophie et la culture celtique, ainsi que sur la promotion de la langue bretonne. Cela déplut aux membres les plus attachés à la fibre religieuse catholique, qui quittèrent la Gorsedd pour former un autre groupe druidique. La Gorsedd de Bretagne, par son Grand druide, adhéra collectivement à la « Déclaration universelle des droits de l’homme ».

En 1985, à la fin de ses activités professionnelles de médecin, Gwenc’hlan qui a déjà écrit plusieurs ouvrages, s’installe à Brasparts dans les monts d’Arrée (Finistère), comme libraire et galeriste où il fonde sa maison d’édition « Beltan » et se consacre à sa passion d’écrivain. Il s’attache alors à mettre en valeur les œuvres de son père, le peintre Maurice Le Scouëzec, qui durant toute sa vie, s’était refusé à vendre ses œuvres à des « marchands de tableaux », envers lesquels il éprouvait une animosité certaine.

En 1993, Gwenc’hlan, avec la participation de francs-maçons de diverses obédiences, crée à Brasparts un nouveau rite maçonnique forestier qu’il nomme « Les Forestiers d’Avallon ». La nouvelle structure allie pensée maçonnique et philosophie druidique.

En  novembre 2005, Gwenc’hlan consacre l’École druidique d’Helvétie fondée l’année précédente dans le canton de Neuchâtel par Philippe Camby, un poète, écrivain et éditeur de langue française. Si l’on se rapporte au site webb de l’École druidique d’Helvétie, Gwenc’hlan faisait alors état du titre de Maître de l’Ordre d’Avallon, en plus de celui de Grand druide de Bretagne (L’auteur du présent article, qui a longtemps accompagné Gwenc’hlan le Scouëzec dans son parcours philosophique et l’organisation des nouvelles structures maçonniques, ne l’a jamais entendu revendiquer ce titre). Philippe Camby aurait succédé à Gwenc’hlan comme Maître de l’Ordre et en aurait changé l’intitulé en « Fraternité d’Avallon » en 2010. La « Fraternité d’Avallon » reprenait les 17 recommandations de compassion et d’amour qui constituaient la seule et unique règle des moines de l’Ordre d’Avallon. Revenu en Bretagne, Philippe Camby crée « Le Pommier de Fougères » en octobre 2009, où il dispense ses cours « druidiques ». Il décède en 2012.

Gwenc’hlan Le Scouëzec décède le 6 février 2008 à Brasparts. Il faisait une promenade, en compagnie de son épouse Bernadette,  dans un champ de sa propriété lorsqu’il s’est effondré sous un pommier. Bernadette Le Scouëzec a fait donation à la faculté des lettres Victor Ségalen de Brest, de l’importante bibliothèque et des notes de son époux, pour constituer un fond culturel. L’ensemble des documents est rassemblé dans la salle « Le Scouëzec » qui lui a été spécialement affectée au sein de la faculté.

Gwenc’hlan Le Souëzec a fortement marqué de son empreinte le mouvement druidique moderne, par une approche spirituelle affranchie des contraintes religieuses et par une sensibilité humaniste et libertaire. Cette particularité l’a souvent conduit à contester l’attitude des autorités françaises envers la Bretagne, lui attirant une certaine défiance de la part des institutions politiques et administratives nationales comme régionales, même s’il a su y nouer de solide amitiés avec quelques élus régionaux.

Gwenc’hlan a occupé la fonction de Grand druide de la Gorsedd de Bretagne pendant 29 ans, jusqu’à son décès. Per Vari Kerlorc’h lui a succédé à la tête de la Gorsedd, sixième Grand Druide de Bretagne, sous le nom de Morgan.

Gwyon mab Wrac’h

[1] Né au sein du judaïsme, le christianisme est la conséquence d’un événement et non celui d’une « révélation ». En ce sens, Jésus correspond à la définition de prédicateur et non de Prophète. La période durant laquelle Jésus s’adonna à la prédication est étonnamment brève et se limite aux trois ou quatre dernières années de sa vie. Avant cette période, sa vie au sein de sa famille, au milieu de ses frères et sœurs, est largement méconnue. La formule « le charpentier de Nazareth », par laquelle il était parfois désigné, laisse entendre qu’il aurait adopté le métier de son père avant de devenir prédicateur. Son enseignement, qui s’articule sur des sentences courtes et des paraboles très explicites qui frappent l’esprit, s’écarte des théories abstraites pour se concentrer sur l’homme et sur le monde.  Son discours humaniste et révolutionnaire, séduit ses auditeurs les plus humbles et indispose les nantis et les religieux. La première secte constituée autour de Jésus s’est faite dans la continuité de celle des disciples de son cousin Jean-Baptiste. Le message de Jésus marque une rupture avec les religions du paganisme mais aussi avec le judaïsme dont il s’inspirait pourtant.  Contrairement au Dieu vengeur de l’Ancien Testament, le Dieu de Jésus est bienveillant pour l’humanité, sa puissance est d’amour et non de terreur ni de domination. Dieu n’est plus le Dieu exclusif d’un peuple élu, il est le Dieu d’amour qui embrasse l’humanité entière. Jésus, qui se présente comme le lien unique et temporel entre Dieu et l’humanité, brise les codes précédents. Faisant disparaître la différence entre monde sacré et monde profane, Jésus incite chacun à prendre conscience de sa propre intimité avec Dieu. Il dispense les hommes d’avoir à inventer leurs voies d’accès à Dieu en les libérant du mythe, de la superstition et de l’ésotérisme qui côtoient peu ou prou l’idolâtrie. Le même discours, quelques siècles plus tard, l’aurait assurément fait condamner par l’Eglise. chrétienne, pour hérésie.

Par les valeurs qu’il porte, dans les domaines de la culture, de la vie sociale, de l’éthique et de la politique, l’exemple de Jésus rapporté par les Évangiles devait cependant constituer le ferment de la religion la plus universelle jamais connue, reléguant le Judaïsme au rôle de « préparation » à l’avènement de jésus dont la vie peut être perçue comme un dépassement de l’ancienne tradition religieuse.

L’Évangile chrétien rend indissociable l’aspect religieux de l’aspect éthique et politique. Le mot « évangile » n’appartenait pas au vocabulaire des religions au temps de Jésus. Il a été emprunté au vocabulaire de la cour impériale où il exprimait une espérance attachée aux événements royaux importants, tels qu’une naissance ou une victoire. Les Évangiles s’appuyaient sur l’Ancien Testament et les prophètes du judaïsme. Plus tard, les adeptes du message de Jésus s’organisèrent en institutions religieuses. Les écrits des évangélistes, constitutifs du Nouveau Testament, restent profondément juifs. La tradition juive fit ensuite de Jésus le nouveau Moïse. La jonction symbolique entre Moïse et Jésus, entre le Nouveau Testament et l’Ancien Testament, posait l’aspect prophétique de la nouvelle tradition biblique. L’événement que constituait l’enseignement de Jésus était utilisé pour former le socle d’une nouvelle religion du Livre, opérant la confusion du Dieu vengeur de Moïse et du Dieu d’amour de Jésus. L’enseignement de Jésus a été utilisé par les religieux qui en firent la base de la nouvelle religion chrétienne.

[2] Ancienne division territoriale de l’empire byzantin conservée par l’Église orthodoxe.

Lien:  www.gorsedd.fr