Fêtes cardinales du calendrier celtique


Les fêtes cardinales du calendrier celtique

La conception du temps, chez les Celtes, est associée aux cycles du soleil et de la nature, dans une religion cosmo-terrestre.

Pommier

Philippe Jouët *  a consacré plusieurs études au monde celtique. Il a mis en évidence un aspect des aventures contées des héros de la tradition des Celtes d’Irlande, par la cosmogonie des cieux tournants. Les fêtes cardinales du calendrier celtique marquent les moments importants liés aux changements de saison.

Selon Pierre Gouletquer*, l’importance du climat et des saisons, pour les humains, s’est traduite par le découpage du calendrier et l’élaboration de rites saisonniers dont la vocation tendrait à assurer un rythme annuel immuable. Les prémices de cet usage remonteraient au-delà du Néolithique avec la transhumance saisonnière des populations du Mésolithique et même avant eux à celle des chasseurs de rennes.

Dans le cycle de l’année, le Dagda gouverne les saisons, commande au temps et aux récoltes. Son chaudron symbolise l’abondance de la belle saison de l’année. Le Dagda représente le ciel diurne, ce qui atteste de sa primauté sur le ciel nocturne et affirme le retour de la lumière après l’obscurité. Elcmar représente le ciel nocturne et son épouse Eithne, encore appelée Bòand ou Morrigan, représente l’aurore. Eithne, personnage en rapport avec la déesse mère, est le lien indispensable entre le ciel nocturne et le ciel diurne. C’est elle qui donne naissance au jeune soleil de l’année, conçu dans l’adultère divin avec le Dagda.

Les célébrations identifiées dans les textes irlandais ont leurs traductions bretonnes.

(Ir.)                                   (Br.)

Samain                       Heven, Kala-goanv

Imbolc                   Goulou-deiz, Emwalc’h

Belteine                      Kenteven, Kala-mae

Lugnasad                      Goueleost

 

En dépit de quelques tentatives d’interprétation à partir de l’archéologie, il reste difficile de reconstituer une religion des Celtes à partir des célébrations cardinales du calendrier celtique. Pour ces moments, qui soulignent l’évolution de la nature à l’occasion des changements de saisons, il reste hasardeux de vouloir relier ces fêtes aux cultes de dieux particuliers. Qu’il s’agisse des 374 noms de dieux celtes recensés par Edward Anwyl en 1906, ou de trois dieux pères, maîtres dans chacun des trois mondes de l’idéologie tripartie Indo-européenne, la difficulté subsiste.

Situées à mi distance des grands moments que sont les équinoxes et les solstices, sur la trajectoire apparente du soleil dans le cycle annuel, les célébrations populaires de la religion naturiste des Celtes, semblent célébrer la terre nourricière dans ses différentes représentations féminines, en rapport avec l’idée de fécondité associée à une Déesse Mère, dont l’origine remonterait au Paléolithique européen.

Pour Marie-Louise Sjoestedt dans « Dieux et héros des Celtes » paru aux éditions PUF en 1940 : – …le calendrier celtique se règle, non sur l’année solaire, les solstices et les équinoxes, mais sur l’année agraire et pastorale, sur le début et la fin des travaux de l’élevage et de la culture. Ainsi le monde mythique des Celtes est-il dominé par les déesses du sol, alors qu’on y cherche en vain les divinités solaires.

Pour Albert Grenier (1878-1961), dans un livre intitulé « Les Gaulois », c’est la lune et non le soleil qui règle les mois de l’année. La lune était également associée à la Grande déesse et à l’élément liquide. Albert Grenier était historien et archéologue, spécialiste de l’histoire des Celtes et des Gaulois. La lune était, par ailleurs, associée aux lieux humides.

Les fêtes populaires du calendrier celtique soulignent la transformation de la nature sous l’effet du soleil. Il n’est également pas évident de pouvoir affirmer que les Celtes étaient des adorateurs du soleil ou qu’ils lui vouaient un culte particulier. Cependant, des indices de cultes solaires existent dans les plus anciennes civilisations. Ils ont donné des symboles comme le svastika, la triscèle ou la roue. Les traces laissées dans le folklore européen indiquent que le soleil servait de support à certaines fêtes populaires en lien avec la transformation de la nature.

Le calendrier liturgique qui se dessine, à partir de la traduction de la littérature orale des Celtes d’ Irlande, reste tout aussi évasif. Samain célèbre le souvenir des défunts du clan et le début de la nouvelle année, dans la transformation de la fertile femme de l’été en vieille femme stérile de l’hiver. Imbolc célèbre la nouvelle lumière du soleil et le réveil de la nature, dans la transformation de la vieille femme de l’hiver en jeune femme fertile. Lugnasad est une fête à la mémoire de Tailtiu, la nourrice de Lug, qui a rendu le sol d’Irlande cultivable mais n’implique pas de culte particulier à Lug.

S’il n’est pas répertorié de culte à Lug, des encouragements sont cependant adressés au soleil, à l’occasion des fêtes populaires, au cours desquelles des roues enflammées dévalaient la pente de collines, au moment où l’astre commençait à perdre de sa force dans sa course vers l’équinoxe d’automne et la saison sombre. Le soleil en sortait toujours vainqueur puisque le jour succède inéluctablement à la nuit.

Il reste Belteine, date dans laquelle il a pu être envisagé un culte au dieu gaulois Belenos et à sa parèdre Belisama. L’époque gallo-romaine, par une sorte d’association des dieux romains avec les dieux celtes, nous a laissé des inscriptions votives au nom d’Apollon Belenos. Pour Henri Dontenville[1], Apollon Belenos était le nom le plus couramment employé pour désigner le dieu de la médecine associé au soleil. Apollon était également associé aux dieux celtes Grannos et Borvo, deux autres noms du Belenos gaulois associé aux sources curatives. Apollon Borvo était plus particulièrement associé aux sources thermales. Au IVème siècle de notre ère, le poète Ausone (309-395) indique que l’un de ses maîtres, le grammairien Phoebitium, était le gardien d’un temple de Belenos. Etait-ce un lieu de culte destiné à Apollon Bélénos ou un lieu destiné aux soins par l’eau thermale, ou encore les deux à la fois ? Ausone était chrétien, poète de langue latine qui a enseigné la grammaire et la rhétorique à Bordeaux (Burdigalia). A son époque, il serait surprenant que l’ancienne religion des Celtes ait été célébrée dans un bâtiment de la période gallo-romaine compte tenu de l’extinction progressive de la religion des Celtes avec le recouvrement des anciennes pratiques par des cultes romains depuis la conquête de la Gaule par Jules César.

L’étymologie d’origine indo-européenne, indique que la racine bhel désigne l’aspect brillant de la lumière vive, et tene désigne le feu, tan en breton. Bélisama (la brillante) est l’un des noms de l’unique déesse du panthéon des Celtes, possible avatard de la Déesse primordiale.

Belenos est aussi appelé en Gaule Maponos (le grand fils). Il a son équivalent Maboz en Armorique, Mabon au Pays de Galles et Mac Greine (fils du soleil) en Irlande. La naissance du Mac Oc, la nouvelle lumière du soleil à Imbolc, précède la chaleur fécondante de Maponos – Mac Greine dans la fougue de l’adolescence à Belteine, pour parvenir à Lugnasad  où le soleil est en pleine maturité, maître d’oeuvre pour la qualité des moissons.

Kala mae en Bretagne et Belteine en Irlande, désignent le premier jour du mois de mai dans l’ancien calendrier celtique. En Bretagne, cette fête est également désignée sous le nom de Kenteven dont la signification serait « avant juin« , ce qui ne saurait désigner une fête religieuse. Le mot irlandais désigne l’aspect brillant du soleil à la moitié de sa course ascendante, entre l’équinoxe du printemps et le solstice d’été. Il n’est pas aisé d’y décerner un culte particulier au dieu Belenos, tout au moins à l’occasion de la fête populaire, à caractère agraire, du calendrier celtique.

Quelques voix, dans le milieu celtisant, ont véhiculé l’idée que le mot breton beleg (prêtre) était associé au dieu Bel. La responsabilité principale en reviendrait à Théodore Hersart de la Villemarqué qui y fit mention dans « Essai sur l’histoire de la langue bretonne », en introduction au dictionnaire de Le Gonidec. Cette erreur a été corrigée par les philologues. Belek est un emprunt au latin « baculacus » qui a donné le gallois balg (bâton de prêtre), l’irlandais bachall (bâton, prêtrise) et le breton baelec et  belec (prêtre).

D’une manière générale, il semble que les dieux et déesses des Celtes étaient l’interprétation des forces brutes de la nature à l’œuvre sur Terre, invoqués dans l’espoir d’obtenir des conditions favorables à la vie des humains et à leur subsistance. Dans ce panthéon, Lug le polytechnicien représente une exception. Plus intellectualisé, Lug possède une sagesse qui rompt avec la rusticité des autres dieux. Sa nature solaire et lumineuse l’apparente à Mithra, le soleil invaincu, La particularité de Lug a aidé à la christianisation de l’Irlande par association avec le Christ de lumière.

Gwyon mab Wrac’h

Philippe JOUËT: Diplomé de l’Ecole des hautes études, collabore aux travaux de l’Institut d’études indo-européennes de Lyon III.

* Pierre GOULETQUER, Chargé de recherche au CNRS, UBO, CRBC.

Voir: Regards étonnés, Mélanges offerts au Professeur Gaël Milin  Faculté Victor-Ségalen à Brest.